samedi 10 septembre 2011

Edito : Savoir reprendre de l'altitude

"D'une façon ou d'une autre, la vie la semaine prochaine ne sera plus même qu'aujourd'hui". C'est par ces mots que concluait Steven Wade un post sur Inside Saab la semaine dernière , alors que la demande de restructuration sous protection de la justice n'était pas encore rendue publique...
Cette phrase qui résonne à la fois comme une menace et comme un espoir possible, est donc toujours d'actualité pour Saab : l'appel du rejet de la demande va être déposé lundi, réponse des juges mercredi au plus tard.

La demande de restructuration est tombée en France, notamment, comme une petite bombe dans les médias de l'auto. Je remercie encore le journaliste de l'AFP qui a traduit cela par "dépôt de bilan". Ok, on peut bien admettre que la situation financière est telle que l'on serait tenté de dire cyniquement qu'ils avaient une petite longueur d'avance, c'est tout. Mais non, ce n'est PAS encore le cas et les mots dans ce genre de situation ont importance dramatique : les journalistes sont des commerçants comme les autres et le moins qu'on puisse dire, c'est que beaucoup - mais pas tous - méconnaissent (ou font semblant) le pouvoir des mots. Prenez cette vidéo du Figaro, nauséabonde, où un sombre inconnu, prend des airs bien assurés pour vous expliquer que "la fin de Saab ne changerait pas le profil du secteur" parce que notamment cette marque "peu innovante" était voué à l'échec. Peu innovante, pardon?! Comment peut-on dire une ânerie pareille? Sait-il par exemple que Saab est encore aujourd'hui un prestataire de service de GM Europe pour l'ingénerie moteurs et transmissions? Est-ce qu'il est déjà allé visiter l'usine, voir les bancs d'essai moteur, carrosserie, les souffleries, les studios de design etc etc? Le complexe d'ingénierie Saab à Trollhättan génère un savoir-faire qui est intégré bien au-delà des seuls modèles Saab. Partout on avait lu que la 9-5 NG avait comme "base technique l'Opel Insignia", l'exemple même de désinformation, puisque si ces voitures ont la même plateforme technique partagée avec Buick, elle a été élaborée principalement à Trollhättan. Qui a retravaillé les motorisations diesel au point de pouvoir sortir sur le marché la berline et le break les plus eco-performants du marché en mars dernier? C'est Saab... Effrayant ce terrorisme journalistique, passons...

On a le droit de lire depuis une semaine des commentaires véritablement crétins - je reste courtois - du genre "je vous l'avais dit, c'était couru d'avance". Comme si nous étions chacun incapables de faire un calcul de probabilité et que nous n'avions jamais perçu que cette période d'arrêt de la production pouvait être fatale, comme si nous ne savions pas que SWAN, actionnaire de Saab, avait à sa tête un homme d'affaire charismatique - le meilleur vendeur du monde selon moi - mais désargenté, comme si nous n'avions pas constaté que les suédois refusent de s'engager pour le patrimoine économique historique de leur automobile, comme si nous n'avions pas déploré le refus de laisser Vladimir Antonov entrer au capital de Saab pour 150 M€, comme si nous ne savions pas lire un bilan semestriel qui démontre que Saab avait besoin de 200M€ en 2011 de plus pour que son business plan soit véritablement économiquement viable etc.

Après tant de mois de combats du management de Saab pour tenter de trouver les crédits nécessaires pour faire repartir la production - enjeu majeur - on a vraiment envie de baisser les bras, de faire l'addition, de tirer des conclusions, de tout balancer par-dessus bord - Victor Muller et ses promesses non tenues avec...

Moi-même, je vous mentirais si je disais que cette semaine n'a pas été angoissante et si ces nouvelles - à commencer par le rapport semestriel SWAN - n'avaient pas généré un grand trouble, des questions difficiles, des remises en question aussi... Des questions du genre : "Victor Muller est-il vraiment clean? Tout ce qui se passe était-il écrit, prévu? Quelles sont les intentions de Victor Muller? Pourquoi se bat-il? Est-ce par passion de la marque uniquement ou parce qu'il veut récupérer sa mise de départ, ce qui ne sera probablement pas possible en cas de faillite? Est-ce que l'intérêt de Saab ne serait pas aujourd'hui de déposer le bilan pour être racheté par un grand groupe? Est-ce que cette hypothèse serait envisageable juridiquement? Est-ce que le businessplan de départ (janvier 2010-décembre 2012) était viable finalement? Est-ce que pour finir, quelqu'un aurait intérêt à ce que Saab meure?

Toutes ces questions, je suis certain que vous vous les posez. Et ce ne serait pas honnête de les éluder. J'ajoute que je me les pose depuis bien longtemps déjà et que dans le doute, j'en ai gardé certaines pour moi, tout simplement parce que ce blog n'a pas pour mission de présenter un plan d'affaire pour Saab, mais de parler de l'essentiel de ce constructeur qui nous passionne : les Saab. Parce que l'on ne met pas des voitures cabossées dans un showroom, parce que Saab actu est un blog sensé parler des raisons qui font que la marque Saab est unique, historique, visionnaire parfois même. Et très honnêtement, on s'en fout des chiffres financiers tant qu'on a du plaisir à rouler en Saab, d'aller voir son concessionnaire pour matter les nouvelles et choisir ses options. Mais voilà, le volet financier chez Saab est devenu si difficile depuis 2009 qu'il est impossible de le mettre de côté, car la survie de la marque est en danger et le danger est désormais à quelques semaines sinon à quelques jours seulement de nous maintenant.

vendredi 9 septembre 2011

Communiqué de presse Saab Automobile : mise au point sur la demande de réorganisation volontaire

Trollhättan, Suède: Swedish Automobile NV (Swan) annonce que Saab Automobile AB et ses filiales Saab Automobile Powertrain AB et Saab Automobile Tools AB (collectivement Saab Automobile) fera appel le lundi 12 Septembre 2011 de la décision du tribunal sur le rejet de la proposition de Saab Automobile quant à sa demande de réorganisation volontaire.


Dans la décision d'hier, le tribunal a fait valoir que la demande de Saab Automobile manquait d’éléments factuels prouvant qu’une réorganisation volontaire pouvait être accomplie. Le tribunal est d'avis que la première réorganisation de Saab Automobile ne peut pas être considéré comme un succès. Le tribunal estime par ailleurs difficile de juger si - et si oui, quand – les autorités chinoises vont approuver la rentrée au capital de 245 millions d'euros de Pang Da et Youngman et si le financement prévu sera suffisant pour résoudre les problèmes financiers structurels de Saab Automobile. Le Tribunal estime ne pas avoir obtenu les informations quand à la durée nécessaire à Saab Automobile pour mettre fin à sa crise de liquidités et reprendre ses activités. Les arrêts de production sont susceptibles d'avoir entraîné une perte de réactivité de l'entreprise et une dépréciation considérable de l’image de marque de Saab.

Saab Automobile est en désaccord avec cette interprétation de la proposition de réorganisation volontaire et fera appel, le lundi 12 Septembre 2011. Une fois que le tribunal aura enregistré l'appel, il est prévu qu'une décision soit prise sous 24 à 48 heures.
En attendant, Swan et Saab Automobile poursuivent les discussions avec plusieurs partenaires potentiels pour l'obtention d'un financement supplémentaire pour le court terme.

Swan vous informera de tout nouveau développement.

jeudi 8 septembre 2011

Communiqué de Presse : Saab est déçue par la décision des juges et fait appel


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Quelques extraits en français de la conférence de presse de Victor Muller sont sur saablog-in. Merci Jeff ;)

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Zeewolde, The Netherlands, 8 September 2011 - Swedish Automobile N.V. (Swan) announces that the District Court in Vänersborg, Sweden today rejected the proposal for voluntary reorganization by Saab Automobile AB and its subsidiaries Saab Automobile Powertrain AB and Saab Automobile Tools AB (collectively Saab Automobile). Saab Automobile is disappointed with the ruling and will appeal the District Court’s decision.
Swan will update the market tomorrow on further developments.

Alerte info : la demande de restructuration sous protection déposée par Saab est rejetée en 1ère instance

Bad news...

C'est le quotidien GP.se qui vient de publier l'information il y a 10 minutes.

la Cour de Vänersborg a dit "non" à la demande de Saab Automobile pour la restructuration. La porte est désormais ouverte sur une possible demande, soit de la part des syndicats, soit de la part d'un groupe de créanciers, pour une assignation en règlement judiciaire. Mais selon le quotidien, il est fort probable que Saab se mette elle-même volontairement en procédure de redressement judiciaire. Saab peut faire appel de la décision. Mais un appel n'offrirait aucune protection contre les demandes de mise en faillite forcée (pas d'effet suspensif de l'appel).

Martin Wästfelt, représentant des syndicats, déclare à DI.se : "Nous continuons à prendre des mesures et la demande de dépot de bilan est aujourd'hui possible pour nous. Nous ne dirons pas si nous allons faire cela, ni quand nous faisons cela jusqu'à ce que près d'elle », dit-il.

"Plan C", Mr Muller now...

Le texte de la demande de restructuration sous protection de la justice

Quel est le contenu du rapport joint la demande de mise sous protection de la justice pour restructuration qu'a rédigé Saab?

- Jeff de Saabsunited nous offre une traduction anglaise du document original suédois (pdf ici). Voilà un excellent résumé de la situation et des perspectives économiques et financières esquissées par Victor Muller hier.

Victor Muller fait (mais ne le dépose pas ! ) son bilan et esquisse le futur

Aujourd'hui le 8 septembre est le jour décisif pour Saab puisque la Justice suédoise accordera ou non à Saab le droit de se mettre sous protection de la justice en vue d'une restructuration (qui n'est pas une procédure de faillite!!!)
Dans le cas d'un refus, il restera à Victor Muller le "plan C" (ou "E" comme "exit") auquel, j'en suis sûr, il a déjà pensé. On croise les doigts, mais je ne saurais dire très franchement ce qui serait le mieux pour Saab aujourd'hui car je n'ai pas idée d'un repreneur potentiel européen ou américain suffisament solide... Wait and See.

Je vous avais promis une analyse pour ce soir, mais j'ai passé trop de temps à vous traduire cette conférence de presse qui au demeurant reprend les principales questions que vous devez vous poser concernant l'avenir de Saab. Et je n'aurais pas mieux dit les choses que Victor Muller...


Voici le texte de la conférence de Presse tenue par Victor Muller ce jour à Saab Trollhättan. La vidéo est en bas de post.


(Victor Muller) (..) Nous avons vécu une période de turbulences ces quatre derniers mois pendant laquelle nous avons réussi à collecter quelque chose comme 125 millions d'euros de capitaux et de fonds à injecter dans notre société. En dépit de cela, cela n'était pas suffisant pour faire repartir la production de façon normale. En dépit de tous nos efforts, luttant contre la montre, nous sommes arrivés à un point où les organismes de recouvrement sont devenus plus virulentes, où ne pouvons plus payer les salaires précisément à temps, mais de façon plus problématiques, même si nous avons les fonds pour les payer, nous ne pouvions plus les payer, à cause des restrictions légales sous lesquelles nous sommes [en Suède, cf. explications du communiqué de presse de ce jour] : vous ne pouvez pas payer un groupe de créanciers si vous ne payez pas un autre groupe. Ainsi nous ne pouvions pas privilégier le paiement des salaires au détriment d'autres créances. Et je peux vous assurer que pour un dirigeant, il n'y a rien de plus douloureux de ne pas pouvoir vos employés alors que vous pouvez avez l'argent pour le faire.

Si la Justice nous accorde demain le droit de cette mise sous protection en vue d'une restructuration volontaire, les salariés pourront être alors être payés. Les salariés à qui nous avons appris la nouvelle ce matin ont pris la chose de façon assez fair-play et leur loyauté ne saurait ici être mise en doute.

Mais la raison principale de mettre la société Saab dans cette procédure de restructuration protégée par la Justice est la recherche de stabilité. Nous avons été exposés à toutes sortes de requêtes de la part de créanciers et nous voulons remplir nos obligations à leur égard, mais cela a été extrêmement difficile en ce qui concerne l'acheminement des fonds en temps et en heure.

Comme vous le savez, nous avons signé un accord avec Pang Da et Youngman début juillet dernier. Cet accord est contraignant désormais mais soumis à approbation. Notre opinion, fondée sur l'avis d'experts, que cette approbation sera effective à un moment donné. Mais pour aller de cet accord avec Pang Da et Youngman pour arriver au versement des fonds, nous avons à construire une passerelle financière pour couvrir cette crise de liquidités. Il y a plusieurs façons pour obtenir cela, mais nous avons pressenti que la façon la plus appropriée pour apporter un peu de paix à cette société était de demander la protection de la justice et d'assurer que rien ne peut arriver à Saab d'ici là. C'est là le fil conducteur qui sous-tend cette décision. Et aussi, comme conséquence, que nos employés pourront maintenant être payés.

Nous avons vécu des moments difficiles. Nous avons vu Vladimir Antonov émettre le souhait très clair et formel d'entrer au capital de Saab avec un apport de 130 millions à une époque où 30 millions aurait suffit (sic), nous savons tous ici que cela ne s'est pas produit, pour tout un tas de raison... La question est que nous devons désormais arriver à tenir jusqu'à ce que Pang Da et Youngman nous rejoignent. C'est à ce moment qu'il y aura vraiment la stabilité et la prospérité pour cette société.
Commence la session de réponse aux questions...


mercredi 7 septembre 2011

Brèves du jour

Vous avez certainement pu reconnaître dans la presse du jour les journalistes qui recopient bêtement les dépêches AFP et ceux qui recopient bêtement les dépêches REUTERS. Les premiers ont titré (tous!) "Saab dépose son bilan" quand les seconds ont titré (tous!) "Saab se protège de ses créanciers pour se protéger"... Il faudra rappeler à l'AFP que "déposer son bilan" en France, cela signifie règlement ou liquidation judiciaire. Or, Saab n'en est pas là puisqu'il s'agit ici d'une procédure de sauvegarde volontaire et non une déclaration de faillite comme tous les lecteurs de tous ces articles édifiants issus de l'AFP le croiront ce soir.

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Appel avec un contact du réseau Saab France (dont la direction ne serait toujours pas payée non plus soit dit en passant puisqu'elle dépend de Saab Automobile AB) : moral plus bas que terre évidemment. Je voudrais leur dire à quel point nous nous sentons aussi solidaires qu'impuissants dans ce moment difficile où certains seront peut-être confrontés à des choix personnels cornéliens : continuer à travailler pour une marque historique ou bien saisir une nouvelle opportunité?... Dans ce passage très étroit où tout va désormais se jouer très vite comme celui-ci alors que les équipes techniques et marketing à Trollhättan sont sans doute un peu dépassées par les évènements, il n'est pas facile, surtout pour les plus jeunes et les plus dynamiques du réseau ou de l'équipe managériale Saab France de continuer à bosser pour un employeur dont on ne peut être sûr qu'il sera en mesure de nous payer à temps et de nous offrir des perspectives de carrière motivantes... Tout n'est pas joué certes, mais les différents échecs de Victor Muller ont de quoi interpeller tout chef de famille, quoique passionné par Saab.
Appels et mails de saabistes, tout ça au boulot... Garder le sourire, faire semblant avec les collègues et les clients.... Je rentre ce soir pour m'apprêter à décortiquer - aussi sereinement qu'on peut l'être !^^ - ce véritable merdier dans lequel Saab est retombé. Le pire moment qu'on a connu fut l'initiation de la procédure de liquidation par GM fin 2009. Vient immédiatement derrière ce 7 septembre 2011. Attention, ce n'est pas fini, il y a encore demain qui est le jour où tout peut basculer pour Saab et surtout pour Victor Muller. J'y reviens dans quelques instants dans un autre post.

Le principal représentant des équipementiers européens (enfin) ouvert à la discussion

(Je reviens tout à l'heure avec une analyse plus en détail)

Il semble que M.Holmqvist change de ton enfin! alors qu'il était jusque là opposé à tout plan d'amortissement de la dette et à tout délai de paiement conventionnel. Le plan de Victor Muller semble sur ce point fonctionner: "si vous ne voulez pas négocier, vous attendrez longtemps pour être payé"...


“Si Saab paye ses dettes OU AU-MOINS UNE PARTIE D'ENTRE ELLES, nous pourrons aider à ce que la production reparte pour de bon" a déclaré Lars Holmqvist, représentant de l'association des équipementiers européens (CLEPA), sur le blog Left Lane News